La nature s'endort sous son voile de grisaille
Et le paysan rentre au bercail,
Après une journée laborieuse.
En lui sont les tourments du désir de bien faire.
Lorsque le soir descend, jaillit du ciel zébré
Mille feux miroitants, corps célestes ambrés.
Le marin s'achemine et gagne le rivage,
L'ombre devient esprit sur les hauteurs sauvages.
Le bruit faible et confus des arbres frissonnants
Secoués de zéphir frais et entreprenant,
Bourdonne dans le gris, parmi les sons hilares,
Scandés par une bouche avide et non avare.
Du murmure des eaux, en cascade d'argent,
Inondant sans haleine un lit fort indigent,
S'élèvent des chansons, rythmes déclamatoires
Dans toute leur splendeur d'un noble répertoire.
Parfois un chien aboie; il semble hurler le sort
D'une chaleur succinte à ses derniers ressorts.
Les troupeaux assouvis par bandes indolentes
Longent les broussailles et glissent sur les pentes.
Mêlées au timbre chaud de quelques vieux bergers,
Leurs fines sonnailles animent l'air léger.
Le mutisme s'éveille, apporte sur la terre
Les secrets enfouis et les clés du mystère.
L'oiseau, le bec au flanc, exile ces natifs,
Le songe s'insinue; et le coquin captif
Voit surgir par instant l'immensité très pure
D'une voûte charmante aux vols à vive allure.
Puis, avec soumission, les fleurs aux doux aspect
Revêtent le linceul où baigne le respect.
La campagne nappée en ce beau crépuscule
Séduit le promeneur, qui d'un pas lent circule.
Madeleine Wagner